Silent tears
...il est assis en tailleur, la tête un peu baissée...il suce son pouce, c'est la fin de la journée de classe...je me dis qu'il doit être fatigué...il relève doucement le visage...deux larmes silencieuses coulent sur ses joues...son regard me bouleverse... je me penche sur lui, caresse son visage...je m'approche tout près, tout près, lui demande pourquoi il est triste... comme un cri il me lance "Je ne veux plus aller dans cette école, plus jamais. Je veux retourner dans celle d'avant"... après quelques instants pendant lesquels le chagrin empêche les mots de franchir les lèvres de mon fiston, il parvient enfin à me dire ce qui lui fait de la peine..."parce que dans ma classe y'a des copains qui disent que je ne suis pas beau parce que je suis noir, parce que je viens d'Afrique"..."Et N.. il a dit qu'il ne m'invitera jamais chez lui parce que je suis noir"... nous avons fait un immense calin, je le sentais trembler, petit à petit il s'est calmé... il apprend la chose la plus cruelle contre laquelle je voudrais le protéger toujours... mais je suis contrainte de lui expliquer l'innaceptable, l'imbécile, le méchant... petit à petit je lui explique que toute sa vie, il va croiser des ignorants qui auront peur de la différence... ensemble nous avons trouvé le nom de plein de petits copains qui ne disent jamais "ça"... nous avons trouvé qu'il serait beaucoup plus sympa d'aller jouer avec eux et d'ignorer les autres... d'aller le dire à la maîtresse tout de suite quand ça arrive... nous avons cité le nom de tas d'amis grands ou petits qui trouvent très beau ces grands yeux sombres, cette peau si douce... plus tard dans la soirée, il a abordé de nouveau le sujet... comme je répétais qu'à nos yeux c'est le plus beau des p'tits gars de la terre, il m'a répondu avec beaucoup de gravité qu'il le sait et qu'il ne les croit pas... et puis plus tard sa soeurette a déclaré qu'ils allaient entendre parler d'elle ces idiots si elle les croisaient au parc... ce soir je ne trouve pas le sommeil...je ne décolère pas... j'ai mal aux tripes... mon fils avait tant de colère et de tristesse à évacuer qu'il m'a demandé de faire du vélo sur la digue... il est parti comme une flèche face au vent... il a laissé les ondes négatives filer dans les rafales... il a zigzagué tête baissée comme s'il cherchait à se libérer de toute l'agressivité qu'il avait dû encaisser dans la journée... et mes larmes se sont perdues dans le froid du bord de mer...