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Sans queue ni tête
25 décembre 2014

Depuis plusieurs jours que je suis arrivée à

Depuis plusieurs jours que je suis arrivée à destination dans ma nouvelle vie, mille fois j’ai eu envie de commencer un texte, et à chaque fois je m’en suis voulu de ne pas avoir tout de suite pris des notes pour dire l’instant, l’odeur, la couleur, l’image ou le son… tous ces petits détails qui forcément me frappent par leur nouveauté, parfois leur exotisme. Trop tard pour donner un fil directeur à mes propos…

 

Donc si tu me lis, excuse moi pour le côté indigeste…

 

Dans ma nouvelle vie, la lumière est très forte. J’ai découvert que quand je sors sans lunettes de soleil, très vite j’ai mal à la tête. Une douleur que je ne connaissais pas du tout. Fastoche d’y remédier, je ne quitte plus mes lunettes noires. Sortir, partir à l’aventure. Pas loin, hein ! Juste au bout de la route après un rond-point.

 Essayer de se souvenir si c’est à droite ou à gauche qu’il faut se lancer et puis chercher… le centre commercial où tu pourras remplir un caddie de base, celui dans lequel tu dois déposer de l’huile et du vinaigre, de la moutarde, les essentiels qui te font comprendre qu’il faut t’installer dans une nouvelle cuisine. Cuisine dans laquelle tu dois apprivoiser un nouveau four et de nouvelles plaques de cuisson. Donc après quelques jours, et quelques rattrapages de justesse de plats tu as compris que tu ne comprends pas encore ce que fait le four quand tu l’ouvres mais qu’il change de température tout seul à chaque tentative. Conclusion, ne plus ouvrir le four, tant pis pour les arrosages de rôtis ou autres volailles noëllesques. T’es dans l’four, tu y restes. Jusqu’au bout, et plus si la cuisinière a été appelée à rendre service dans un autre coin de cette maison inconnue. Genre au trèèèès gentil pisciniste (oui, désormais tu as un pisciniste attitré rapport à ton mari qui a décidé de couper la filtration de la piscine quand il est venu te rendre visite dans ton ancienne vie alors que les températures au dessus du bouillon géant dépassaient allègrement les 33 degrés. Celsius. ). Idem pour tout ce que tu penses faire revenir ou mijoter sur les plaques, et que tu crames sans vergogne (mais pas sans râleries, non mais !)… tu auras noté que je suis revenue à la cuisine. La piscine n’est toujours pas potable à l’heure où j’écris ces mots mais je ne suis pas sans espoir depuis que le même mari déjà cité a miraculeusement appuyé sur un bouton en se relevant de dessus le moteur de la filtration et déclenché le turbo par lequel devrait venir notre salut. Oui, parce que certes il n’y a pas mort d’homme (ni par noyade ni par empoisonnement pour le moment) mais imagine quand tu descends de l’avion par trop de degrés déjà, avec tes mômes qui ont pleuré les copains, les profs, les maîtresses… que tu leur as vendu du rêve et de la baignade dix fois par jour s’ils le souhaitent et que tu passes les dix jours suivants à répondre en permanence à la question qui tue « elle est encore verte la piscine ? », suivie de son corolaire « quand est-ce qu’on pourra se baigner ? ».

 

Bon, je me rends compte que si je fais aussi long à chaque idée qui me vient, je ne vais pas dormir de la nuit. Passons aux « ici »…

 

Ici, il y a très peu d’éclairage public alors le soir quand tu te mets dans ton jardin (et que tu t’es bien enduit d’anti-moustique) tu vois des étoiles comme jamais de ta vie.

 

Ici, les gens sont très sympas et très souriants dès que tu leur adresses la parole. Ils ont envie de plaisanter et tu sens qu’ils ne se prennent pas la tête. Tu as des leçons à prendre.

 

Ici, quand tu vas au cinéma, tu as une place numérotée. Donc tu dois choisir où tu veux t’asseoir avant d’être dans la salle. Donc tu dois compter sur ta bonne étoile pour ne pas tomber à côté du mec qui va mâchonner le plus gros pot de pop-corn du public. Parce que tu détestes les crounch crounch au cinéma. Que tu es capable de changer de place trois fois avant de t’installer. Et que tu ne peux plus le faire.

 

Ici, quand tu vas au cinéma, tu quittes la chaleur pour les bienfaits (que tu n’avais jamais pesés à leur juste valeur auparavant) de la clim. Du coup, quand tu regardes un film qui se passe en métropole, tu oublies où tu es. Quand tu sors, ça te pique un peu les yeux. Tu fais appel à ton légendaire optimisme et tu te dis que ça va passer avec le temps.

 

Ici, quand tu vas au cinéma, tu regardes des pubs locales avec des gens déguisés en père-noël en short. Ca a tendance à te faire sourire.

 

Ici, dans le jardin de ta vraiment très chouette maison que tu as adoptée quasi à la seconde en la voyant, tu peux observer à gogo des oiseaux aux couleurs improbables dont tu ignores absolument le nom. Tu penses à ton copain Jean Paul. Et puis tu peux observer des lézards énoooormes qui se pavanent sur les troncs des cocotiers en défiant toutes les lois de la gravité. Tu penses à celui que tu as vu au coin du mur le premier soir que tu t’es couchée dans ta nouvelle chambre. Tu te dis que finalement il n’était pas si gros. Que tu as bien fait de dormir quand même, vu qu’il n’est pas monté dans ton lit (ou alors il a été hyper discret, merci à lui !).

 

Ici, tu te baignes dans le lagon. Tu t’es écorché les pieds et puis les genoux sur du corail la première fois et ensuite tu as retrouvé des crocs rose vif du meilleur effet (en vérité, ils sont tellement ignobles que tu ne les enfiles qu’une fois dans l’eau, ce qui te donne une dégaine qui doit bien faire marrer les gens qui font la crêpe mais tu t’en fous). Maintenant, tu files à l’eau les pieds couverts et tu regardes les poissons flâner autour de toi. Non, tu ne rêves pas. Tu as capté quelques regards ahuris de poissons tropicaux qui semblaient ignorer que dans la nature, des pieds couverts de pétrole transformé peuvent porter une telle couleur. Tu songes à investir dans plus discret.

 

Ici, tu testes un à un les vendeurs de fruits et légumes sur le bord de ta route. Quand il n’y a pas trop de monde, tu poses quelques questions pour savoir ce qui se mange de ce fruit dont tu n’as même jamais entendu le nom. Mais comme tu es arrivée à quelques jours de noël, tu es rarement seule le long des étals. Alors tu testes. Tu as encore de la marge.

 

Ici, le soir de noël, les gens tirent des feux d’artifice et des pétards. C’est grâce à ça que ton voisin Lucien a sonné à ta porte pour te proposer de partager le sien. Il a glissé au bras de tes mômes deux bracelets phosphorescents, les mêmes que ceux que tu as portés avec tes copines pour cette dernière soirée mémorable au Petit Journal du coin de ta rue de chez Alex ton voisin d’amour préféré que ça pique les yeux rien que d’y repenser. Du coup, tu avais mis ton mouchoir sur tes idées pas très glops, ben c’est un peu raté, elles reviennent. Puis plus tard dans la soirée tu te mets une chanson dans le salon, tu éteins les lumières et tu aimes regarder les filles qui dansent sur la plage en pensant aux filles. Les Filles. Tu danses. Tu chiales. Et ça ne te fait même pas du bien. Merde.

 

Ici, le soir de noël, les gens tirent des feux d’artifice et des pétards. C’est comme ça que dans ton premier sommeil tu te relèves brusquement dans une chambre remplie d’éclairs verts et que tu découvres la tête ahurie de ton mari déguisé malgré lui en martien. Fou-rire.

 

Ici, le soir de noël, les gens tirent des feux d’artifice et des pétards. Tu aimes bien ça en vrai.

 

Ici, tu bois de la bière sans trop de goût mais qui désaltère.

 

Ici, tu te dis qu’il va falloir faire des choix si tu veux continuer à manger bio.

 

Ici, le kilo de tomates mûres et savoureuses coûte 1 euro sur le bord de la route. Vu leur taille et leur forme, tu te dis qu’elles ne doivent pas être trop traitées. On te confirme qu’elles ne le sont pas.

 

Ici, quand tu veux acheter des carottes, beaucoup sont importées de Chine. Là, tu as soudain beaucoup plus de doutes.

 

Ici, tu as l’impression de vivre dans le bruit permanent et après une grosse semaine tu es déjà lasse. Lasse du moteur des ventilateurs, lasse du moteur de la clim, lasse du moteur de la piscine (et encore je te rappelle que le mode turbo est tout récent), lasse des travaux tout à côté de ton jardin.

 

Ici, tu te couches hyper plus tôt que tous les gens à qui tu penses qui sont loin. Tu trouves ça bizarre. Quand tu te lèves, tu penses à eux, tu leur envoies des petits signes mais tu sais qu’ils sont profondément endormis.

 

Ici, tu skypes. Tu skypes les copines de ta fille, le pote de ton fils et ta sœur de cœur. Tu voudrais ne jamais arrêter. Mais ce n’est pas possible. Tu as une vraie vie à construire. Tu n’en as pas toujours la force et encore moins l’envie. Ou peut-être est-ce l’inverse.

 

Ici, tu as l’impression de vivre dans un havre de paix assez magique quand tu t’assoies dans le chouette hamac que le père-noël t’a apporté qui est désormais installé sous la varangue.

 

Ici, tu as une varangue. Tu y passes le plus clair de ton temps quand tu n’es pas en train de suer sang et eau au dessus des cartons qui jonchent toutes les pièces de ta maison.

 

Ici, tu joues à des tas de jeux de société avec tes enfants. Vous êtes passés au Qwirkle et au rummikub des lettres. Heureusement que tu es joueuse. Autrement, ça pourrait presque te lasser.

 

Bref, ici, tu reconstruis tout doucement une vie. Tu as beau savoir que tu dois combattre ton insatiable impatience, tu as beau avoir appris à attendre (des années parfois, ça forge une patience), tu as les boules à certains moments. Les boules de ne pas connaître de visages familiers. Les boules que les gens ne te fassent pas un coucou quand tu les croises. Les boules de te sentir isolée. Les boules de ne pas savoir où aller. Tu es grande maintenant, tout ça, tu le savais avant de partir. Tu l’as déjà vécu.Tu t’y attendais. N’empêche que c’est dur, violent, déstabilisant et épuisant. Alors parfois, tu te demandes à quoi bon… tu cherches un sens. Il n’y en a pas. Tu plonges dans un bouquin. Tu t’endors dessus pour ne pas rester dans le noir parce que tu as peur de craquer. Tu finis toujours par dormir. C’est bon. Parfois tu rêves. Ces jours-ci, tes rêves ressemblent à des cauchemars. Tu n’as pas trop envie de rêver du coup. Les bons matins, tu grappilles quelques instants de solitude avant le lever de tes enfants. Depuis dix jours, ils ne voient que toi. Pour eux aussi ça doit être difficile. Ils sont mignons, ils ne te le disent pas. Au contraire, ils te câlinent, ils t’entourent… les bons matins, tu t’installes dans un fauteuil face à la mer avec une immense tasse de thé… tu regardes autour de toi et tu t’émerveilles de tant de beauté… il faut juste ne pas penser que si tu vois tant de bleu autour de toi, c’est que tu es sur un petit rocher au milieu de l’océan Indien. Loin. Très loin. Un peu trop loin quand même. 

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Commentaires
L
Joli texte, empreint d'un peu de tristesse mais aussi plein d'humour, je te reconnais en tout cas. Ici, tu vas aimer, j'en suis certaine, je le sens dans tes lignes. Il faut juste être patiente mais je vois quand même que tu pars découvrir et que ton esprit curieux prend le dessus. Ici, il y a à voir, à sentir, à goûter, à apprécier et ici il y a nous, dans un coin de ta tête et de ton coeur. Nous ici, en métropole, il y a toi aussi, dans nos têtes aussi, dans nos coeurs aussi... finalement, on est tous ici... où là... Bisous ma belle et continue d'apprendre... ici...
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